samedi 30 novembre 2019

LES DONNEURS DE LEÇONS

(Edition 30.11.19)


ACTUALITÉ


Un organisme ontarien opposé à la loi 21 sur les signes religieux était de retour en Cour, mardi, afin de plaider, en anglais seulement, qu’elle devait être mise sur la glace.  
« Nous sommes ici parce que nous avons promis que nous n’arrêterions pas de protéger cette province », a déclaré en anglais Mustafa Farooq, du Conseil national des musulmans canadiens.  

HISTORIQUE 1 : 1759

En juin 1759, la flotte de Wolfe (12 000 hommes) remonte le fleuve en semant la terreur sur son passage. L'armée s'établit alors à l'île d'Orléans où Wolfe déclare que les « laboureurs, colons et paysans, les femmes, les enfants, et les ministres sacrés » seront protégés et épargnés. Il ajoute que le peuple pourra « jouir au milieu de la guerre de toutes les douceurs de la paix. » Les quelques habitants qui font confiance à la parole de Wolfe en paient le prix. Trois hommes sont scalpés et une maison où s'étaient réfugiés des femmes et des enfants est incendiée; les malheureux sont brûlés vifs. Puis, toute la côte sud du fleuve est saccagée et brûlée. Un soldat qui a participé à ces opérations de terreur n'est pas peu fier de noter dans son journal: « Nous avons brûlé et détruit jusqu'à quatorze cents belles fermes, car, pendant le siège, nous étions les maîtres de leur pays, le long de la rive, et nous envoyions presque continuellement des groupes pour ravager la campagne, si bien que cela leur prendra un demi-siècle pour réparer les dégâts. »

HISTORIQUE 2 : 1839


(Rapport du Comte de Durham , gouverneur en chef de l’Amérique du Nord britannique. 1839)

Je n'entretiens aucun doute sur le caractère national qui doit être donné au Bas-Canada ; ce doit être celui de l'Empire britannique, celui de la majorité de la population de l'Amérique britannique, celui de la race supérieure qui doit à une époque prochaine dominer sur tout le continent de l'Amérique du Nord. Sans opérer le changement ni trop vite ni trop rudement pour ne pas froisser les esprits et ne pas sacrifier le bien-être de la génération actuelle, la fin première et ferme du Gouvernement britannique doit à l'avenir consister à établir dans la province une population de lois et de langue anglaises, et de n'en confier le gouvernement qu'à une Assemblée décidément anglaise.

HISTORIQUE 3 : 1910

Mais il y a plus grave encore.  En 1910 les franco-catholiques doivent accepter le choc d'une des pires vagues de racisme de leur histoire.  Le mouvement orangiste ou impérialiste avait déjà pendu les patriotes en 1837, éradiqué le peuple métis avec une insoutenable cruauté avant de s'attaquer méthodiquement, dans chaque province, aux droits des francophones et des catholiques. 

« We Hold the Vaster Empire that Has Never Been » disait alors un timbre canadien unilingue.

En 1910, la frénésie impérialiste canadian atteint une sorte d'apogée.  Enhardie par l'écrasement du valeureux peuple Boers en 1900, satisfait d'avoir expurger l'Ouest canadien du sang québécois, elle s'apprête en 1910 à chasser Wilfrid Laurier du pouvoir et à mettre à sa place l'un des siens : le conservateur Robert Borden, qui emboite immédiatement le pas derrière l'Angleterre impérialiste, en attendant les massacres et les torrents de sang de la Première Guerre mondiale.

Étrangers en leur propre pays, les Québécois ne l'ont jamais autant été qu'en ces jours sombres de 1910, alors que Charles Gill écrit à un ami (Montréal, 1910) :

"Le soleil se couchait; dans une poussière d'or passait la foule cosmopolite.  Ce soleil au couchant, cette rue que j'avais vue il y a vingt ans toute française, cette foule composé de races hostiles à notre étoile, la diversité des langues, notre race représentée là surtout par ses prostitutées de douze ans et ses jeunes ivrognes, tout cela me frappa.  Nous étions demeurés près de la vitrine; j'attirai Albert Ferland jusqu'au bord du trottoir; d'un geste je lui montrai le soleil et de l'autre la foule : regardez Ferland, lui dis-je, regardez mourir le Canada français."

HISTORIQUE 4 : 1911

En 1901, l'Ontario adopte une loi qui fait de l'anglais la seule langue officielle des écoles publiques. En 1911, le gouvernement exerce de nouvelles pressions sur les francophones en adoptant une résolution qui fait de l'anglais la langue d'enseignement dans les écoles publiques et catholiques, sauf dans celles où, de l'avis du Ministre, les élèves ne le comprennent pas.

Face à cette discrimination, les Franco-Ontariennes et Franco-Ontariens s'unissent afin d'organiser une résistance. En 1910, on crée l'Association canadienne-française d'éducation de l'Ontario (ACFEO). Alors que la nouvelle association commence à peine à exprimer ses revendications en matière d'éducation, le gouvernement impose, en 1912, le Règlement 17 qui interdit l'enseignement en français dans les écoles. Le règlement exige qu'à partir de la deuxième année du primaire, l'enseignement en français soit limité à une heure par jour et que, dès son entrée à l'école, l'élève se mette à l'étude et à la pratique de la langue anglaise. Quant aux enseignantes et aux enseignants, ils doivent avoir la compétence d'enseigner et de communiquer en anglais, sinon ils sont congédiés.

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vendredi 22 novembre 2019

EN GRÈVE



(Edition 22.11.19)


ACTUALITÉ

Branle-bas de combat avant la grève du 5 décembre 2019 

Les Français s’attendent à de grandes difficultés dans les transports à l’occasion de la grève de la SNCF et de la RATP prévue contre la réforme des retraites. Voire les jours suivants. Vélo, télétravail, location de voiture... chacun tente de trouver la parade.

HISTORIQUE 1 : États-Unis

Le plus marquant de ces épisodes se produit dans l’État d’Arkansas à l’initiative de Ben Patterson. Suite à l’appel de Humphrey, Patterson, arrivé récemment en Arkansas, tente d’organiser une grève des ouvriers agricoles noirs qui sont presque exclusivement des cueilleurs de coton. 

Le 20 septembre, le mouvement démarre dans le comté de Lee lorsque des ouvriers agricoles de l’exploitation du colonel H.P. Rodgers, dont Patterson, exigent une augmentation de salaire. Ils sont immédiatement renvoyés et expulsés de l’exploitation. Ils commencent alors à faire le tour du comté pour rallier d’autres cueilleurs de coton à leur cause.

Le 25 septembre, deux ouvriers sont tués sur une plantation lors d’un affrontement entre grévistes et non-grévistes. Le 28, deux grévistes tuent Tom Miller, le gérant d’une plantation appartenant au planteur J.F. Frank. Le 29, les meneurs de la grève prennent la fuite et sont poursuivis par un posse, un groupe armé payé par les planteurs blancs. Durant la semaine qui suit, la chasse aux grévistes fera 15 morts, dont Patterson, et 6 grévistes seront emprisonnés. Un an plus tard, il ne restera quasiment plus rien de l’Alliance.

Dans l’ensemble du pays, les grèves, mal organisées et durement réprimées, seront des échecs : les grévistes sont licenciés et emprisonnés et l’ordre est vite rétabli. L’échec de cet appel à la grève, émanant de la plus puissante organisation noire des États-Unis au XIXe siècle, a mis fin à cette tentative originale de syndicalisme noir.

HISTORIQUE 2 : Europe

Au Moyen Âge, des grèves éclatèrent en Europe, d'essence corporative. Le refus de travail est le fait d'une catégorie précise d'artisans ou d'ouvriers, ayant monopole pour défendre leurs intérêts particuliers. Ces actions, souvent violentes, sont en général réprimées très durement. 

Parmi ces conflits, on peut citer, par exemple, en 1280, à Rouen, une grève des drapiers qui se termine par l'assassinat du maire.
En 1511, les ouvriers chargés d'assécher les fondations du chantier de la cathédrale de Bordeaux cessent le travail et sabotent les installations pour obtenir des chanoines de meilleures rémunérations et conditions de travail. 
En 1539, la grève des imprimeurs de Lyon est restée célèbre pour sa dureté. Les ouvriers n'obtiennent pas satisfaction, mais l'agitation persistera jusqu'en 1544.

Dans les années qui ont précédé la Révolution de 1789, les grèves se multiplient dans des corporations très diverses (imprimeurs, relieurs, bonnetiers, peintres, charpentiers, etc.). La loi Le Chapelier de juillet 1791, en supprimant les corporations et en interdisant toute coalition ouvrière, rend la grève illégale. Les mouvements revendicatifs reprendront à partir de la Restauration avec des caractéristiques nouvelles.

HISTORIQUE 3: Egypte

Le 29 décembre, les ouvriers n’ont rien reçu depuis 18 jours. Ils cessent le travail, marchent vers les temples (symboles du pouvoir), franchissent cinq postes de contrôle en criant "Nous avons faim" puis commencent un sit-in derrière le temple de Thoutmosis III. Un temple leur transmet cinquante pains.
Une conciliation échoue . Les ouvriers occupent alors le secteur, paralysant les activités. Ils font remonter aux autorités les causes de leur mouvement :
" Si nous en sommes arrivés à ce point, c’est à cause de la faim et de la soif ; il n’y a plus de vêtements, plus d’onguents, ni de poissons, ni de légumes ; écrivez au pharaon, notre bon seigneur, sur ce sujet, et écrivez au vizir, notre supérieur, pour que les provisions nous soient données".

Les grévistes exigent de disposer des rations accaparées par les prêtres et autres intermédiaires du pharaon, entreposées dans un temple.
La grève se poursuit. Le deuxième et le troisième jours de grève, les travailleurs occupent l’enceinte sacrée entourant le temple funéraire de Ramsès II, provoquant la fuite des gardiens, soldats et comptables.Diverses promesses leur sont faites mais ne sont pas tenues.

Les grévistes campent alors dans le temple funéraire de Ramsès III durant un jour et une nuit. Le restant dû des mois précédents leur est alors octroyé.
Le travail reprend durant quinze jours.
Cependant, une deuxième puis une troisième grève vont éclater peu après pour le paiement de leur dû et pour dénoncer la corruption des chefs locaux, le non respect des obligations dues aux dieux.

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samedi 16 novembre 2019

MANQUE DE... POT


(Édition 16.11.19)


ACTUALITÉ


Le milliardaire québécois Guy Laliberté, qui a été arrêté en Polynésie française pour culture de cannabis, a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire.

Après la première comparution devant le juge d’instruction mercredi, «aucune accusation de trafic n’a été retenue contre lui» a précisé une porte-parole de Lune Rouge, l’entreprise de l’homme d’affaires, par communiqué.

HISTORIQUE 1 : en Nouvelle-France

Au Canada, il semblerait que le cannabis fut importé très tôt par les Français, soit dès 1609 par l'apothicaire Louis Hébert, qui a transporté dans ses bagages nombre de plantes médicinales. Le chanvre était cultivé pour approvisionner l'industrie navale qui avait grand besoin de la fibre textile de cette plante pour fabriquer les cordages des navires. Il semble qu'on ne la consommait pas comme drogue.

HISTORIQUE 2 : de Rabelais à Napoléon

En Europe, son usage en tant que psychotrope est resté méconnu jusqu'au dix septième siècle sauf par Paracelse et Rabelais (qui décrivit au seizième siècle le « pantagruélion » dont les caractéristiques suggèrent qu’il s’agit du chanvre) alors que ses fibres étaient d'une importance stratégique (cordages). 

La connaissance de ses effets se répandit en Europe, en France, après la campagne napoléonienne d’Égypte, pays où il était largement consommé sous forme de haschich, et, en Angleterre, après la conquête des Indes. 

Un décret de Bonaparte du 8 octobre 1800 tenta de prohiber son commerce et son utilisation en Égypte mais il suscita néanmoins l’intérêt de scientifiques ayant accompagné Bonaparte dans ce pays comme Sylvestre de Sacy, Aubert Roche et Jacques Moreau de Tours. Ce dernier, psychiatre, l’étudia scientifiquement, le testa pour traiter ses malades et publia Du Haschich et de l’Aliénation Mentale, ouvrage qui devait avoir un grand retentissement. Il fit connaître le haschich à Théophile Gauthier et à d’autres écrivains et artistes comme Charles Baudelaire, Alexandre Dumas, Gérard de Nerval, Delacroix etc. 

De leurs soirées naquit le club des haschichins réunissant à l’hôtel Pimodan l’intelligentsia de l’époque. Ils y expérimentèrent les effets du haschich sous forme de dawamesk. Les écrits de T. Gauthier comme le Club des Haschichins ou de C. Baudelaire comme Les Paradis artificiels populariseront ces soirées.

HISTORIQUE 3 : Antiquité

Le chanvre est mentionné sur le papyrus Ebers de l’Égypte pharaonique (1550 av. J.-C.), où il voisine avec l’opium, la jusquiame et la mandragore.
Les Assyriens utilisaient le cannabis comme encens : c’était le qunubu ou quannabu, terme dérivé du persan kanaba, terme peut-être d’origine scythe.

La médecine grecque hérite largement de la tradition égyptienne. Dioscoride souligne les propriétés psychotropes de la plante qui « fait venir au-devant des yeux des fantômes et illusions plaisantes et agréables ». Galien redoute qu’« elle ne blesse le cerveau quand on en prend trop » mais rapporte son usage comme enivrant et livre des formules de galettes soporifiques contenant du cannabis. La plante n’entrait-elle pas aussi dans la formule du Népenthès chanté par Homère?

Pour les Romains, le cannabis participait à la formation d’électuaires variés, à des vertus magiques, ainsi que dans la composition de nombreux médicaments. Ils utilisaient également ses fibres pour fabriquer les cordages des navires, et les importaient de Gaule (notamment du IVe siècle av. J.-C. au IIe siècle de notre ère).

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vendredi 8 novembre 2019

VOYAGE EN CHINE




(Édition 13.10.19)

ACTUALITÉ



L'élégance à la Française ! Emmanuel Macron et sa femme se sont rendus en Chine pour un séjour officiel de 3 jours. Le chef de l'Etat a laissé une très bonne impression après son court passage dans l'Empire du milieu. Notamment avec la Première dame de Chine, Peng Liyuan avec laquelle il a joué de son charme afin de se rapprocher d'elle. …

Afin de saluer la Première dame de Chine, Emmanuel Macron "a fait un baisemain". Cette attention "très française" est appréciée dans le pays, rapporte l'AFP. Le chef de l'Etat a ainsi réussi son entrée en marquant des points auprès de la femme de son homologue. 

Pour répondre à ce geste séduisant, Xi Jinping et Peng Liyuan ont organisé un repas grandiose avec au menu, des mets chinois

HISTORIQUE 1: Richard Nixon

Les premiers jours, M. Nixon s’est comporté comme un acteur qui a répété maintes fois son rôle, dans un gigantesque « show » télévisé. Que ce soit son maquillage, indispensable dans toutes ses apparitions publiques pour faire disparaître ces « ombres de cinq heures » qui marquent le visage du président américain plus tôt que d’autres, ou son sourire figé et les trois expressions de son regard utilisées tour à tour devant la caméra de télévision qui transmet en direct aux Etats-Unis, ou encore sa réponse au toast de M. Chou En-lai, lors du banquet offert le jour de l’arrivée, tout était acte et discours à l’intention des électeurs de novembre.

HISTORIQUE 2 : Pierre Elliott Trudeau


1 septembre 2016

Gérard Hervouet dans Le Devoir du 31 août dernier.

Le cadeau peut paraître banal vu de ce côté-ci de l’océan, mais en Chine, sa symbolique n’a échappé à personne. Au premier jour de son premier voyage officiel en Chine, Justin Trudeau a offert une médaille à l’effigie du médecin canadien Norman Bethune, une médaille provenant de la même série que celle offerte 43 ans plus tôt par son père à Mao Zedong.

À lui seul, ce présent résume tout le potentiel que le patronyme du premier ministre représente pour les relations sino-canadiennes… ou au minimum, celui que le Canada aimerait qu’il ait !

Pierre Elliott Trudeau était fasciné par la Chine, allant jusqu’à y entrer illégalement en 1949 pour la visiter. C’est à son initiative que le Canada rétablit ses relations diplomatiques en octobre 1970 et manoeuvre pour faire admettre la République populaire de Chine (RPC) à l’ONU, ce qui survient l’année suivante. Le processus de reconnaissance internationale de la RPC avait débuté en 1950 avec les quatre pays scandinaves, la Grande-Bretagne et la Suisse, mais s’était arrêté avec la révolution culturelle. Le Canada relance donc le bal à un moment où la Chine cherche des cautions internationales.

« Cette reconnaissance a un impact catalytique », s’exclame Yves Tiberghien, directeur de l’Institut de recherche sur l’Asie à l’Université de Colombie-Britannique. Elle sera suivie par la visite du président américain Richard Nixon en 1971.

« Il a été perçu en Chine comme quelqu’un capable de tenir tête aux États-Unis », renchérit Gérard Hervouet, directeur du Groupe d’étude et de recherche sur l’Asie contemporaine de l’Université Laval. M. Trudeau s’était fait traiter de « cryptocommuniste » par le gouverneur de l’Alabama…

Article complet : Le Devoir, 31 août 2016.

HISTORIQUE 3 : Marco Polo

Marco Polo serait né à Venise en 1254 au sein d’une famille de marchands. Pourtant, la famille Polo n’appartient pas à l’élite la plus aisée de l'époque. Par contre, le commerce, elle le connaît bien puisque qu’elle sillonne depuis des générations des mers contrôlées par Venise, jusqu’à Constantinople et même au-delà, sur les rives de la mer Noire. Niccolo et Matteo Polo, le père et l’oncle de Marco, font un premier voyage vers l’Orient et reviennent au bercail en 1269, après avoir rencontré en Chine l’empereur Kubilaï Khan.

Le souverain mongol leur a confié la mission de lui rapporter de l’huile sainte du Saint-Sépulcre, de lui ramener 100 prêtres capables de le convaincre de la supériorité de la foi chrétienne, ainsi qu’une missive du Pape. Ils repartent donc pour remplir cette mission, cette fois en compagnie du jeune Marco. Ce dernier ne sait pas, lorsqu’il entreprend ce périple en 1271 à l’âge de 17 ans, qu’il en aura 41 à son retour au pays en 1295. Son voyage durera 24 ans.

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