(Édition 05.05.18)
ACTUALITÉ
Selon la préfecture de
police de Paris, 1 200 individus cagoulés et masqués, scandant « Tout le monde
déteste la police, Paris debout, soulève toi », se sont d'abord rassemblés au
niveau du pont d'Austerlitz, dans l'est de Paris, en tête de la manifestation
organisée par les unions syndicales.
C'est alors que, sur
décision de la préfecture de police, le cortège a changé d'itinéraire pour
rejoindre la place d’Italie. Le groupe d'individus violents a donc été isolé
par les forces de l'ordre, les policiers, qui ont attendu ensuite quelques
minutes avant d'intervenir, et de répliquer aux projectiles des casseurs avec
un canon à eau et des gaz lacrymogènes pour les disperser.
Néanmoins, certains
individus ont eu le temps de fracasser des vitrines le long du boulevard de
l'Hôpital, dans le 13e arrondissement, saccageant notamment un restaurant
McDonald's et des abribus, et sortant des voitures d'un concessionnaire Renault.
Ils ont également incendié un engin de chantier et lancé des projectiles sur
les forces de l'ordre.
Puis, par petits groupes,
ces derniers se sont dispersés sur les hauteurs du 5e arrondissement de Paris,
avant de nouveaux affrontements rue Monge peu après 21h. Des conteneurs à verre
ont été renversés.
HISTOIRE-1
2001
Le 11 septembre 2001, des
avions détournés ont percuté les deux tours du World Trade Center (WTC), à New
York. Le mouvement altermondialiste était sur sa lancée, surtout depuis la
Bataille de Seattle en 1999. Les images du Black Bloc défonçant des vitrines de
banques et de succursales de firmes multinationales avaient fait le tour du
monde. La tactique avait été reprise au printemps et à l’été 2001, au Sommet
des Amériques à Québec, au Sommet de l’Union européenne à Göteborg et au Sommet
du G8 à Gênes…
Les altermondialistes
n’avaient tué personne. Les médias ont néanmoins fait un amalgame bien curieux
après l’attaque du 11 septembre, qui a provoqué plus de 3 000 morts. «Ce n’est
pas la même échelle que les attentats de New York, certes, mais cela procède du
même esprit», suggérait Le Figaro du 14 septembre, au sujet du démontage d’un
McDonald’s par José Bové, sympathique paysan français défendant le fromage au
lait cru. Oussama ben Laden a dû s’étouffer en lisant son Figaro...
Quelques jours plus tard, Le
Figaro Magazine se livrait au même jeu d’amalgame : «Il est difficile de ne pas
établir une relation entre le coup qui vient d’ébranler la Mecque du
capitalisme mondial [le WTC] et le durcissement des mouvements antimondialistes
[...] tous adversaires de l’État démocratique libéral. [...] Pour l’instant,
les casseurs des Black Blocs d’extrême gauche [...] ne sont que quelques milliers.
Il faut être aveugle pour refuser de voir à quelle vitesse le mal court.» À
défaut d’expliquer quoi que ce soit, cet amalgame insultait et délégitimait les
anarchistes et autres altermondialistes qui se contentaient de fracasser
quelques vitrines.
J’en étais venu à paniquer
quand je cassais un verre par accident : allais-je être accusé d’homicide
involontaire?
HISTOIRE-2
1991-2000
Leur première apparition
remonte aux manifestations contre la guerre du Golfe en 1991 aux Etats-Unis.
L'appellation fait sans doute référence aux " Schwarz bloc ", les
" blocs noirs " constitués dans les années 80 par les autonomes dans
plusieurs villes d'Allemagne et à Zurich pour défendre les squats contre la
police ou combattre les activistes néo-nazis. Mais c'est le 30 novembre 1999,
lors des rassemblements contre le congrès de l'OMC à Seattle, que les Black
blocs commencent véritablement à faire parler d'eux. Sur le trajet de la manifestation,
un groupe de quelques centaines de personnes masquées s'attaque aux vitrines
des banques, des commerces et des sièges des multinationales. Des barricades
sont fabriquées avec le mobilier urbain et les murs sont couverts de slogans.
Lors des rassemblements contre le FMI et la Banque mondiale à Washington, les
16 et 17 avril 2000, un " Revolutionary Anti-capitalist bloc "(RACB)
d'un millier de personnes est à nouveau présent, mais avec une tactique différente
: le groupe ne s'attaque pas aux vitrines et concentre tous ses efforts sur la
police, parvenant à bloquer les unités anti-émeutes et facilitant l'action des
militants qui pratiquent la désobéissance civile. On retrouve un "
Anti-Statist black bloc " (ASBB) à Philadelphie, les 1er et 2 août 2000,
lors du rassemblement contre la convention du Parti républicain, et quinze
jours plus tard à Los Angeles, contre celle du Parti démocrate. Sous des appellations
parfois changeantes, les Black blocs feront ensuite parler d'eux au rythme des
rassemblements internationaux à Davos, Prague, Nice, Québec,
Göteborg et enfin Gênes.
HISTOIRE-3
RENNES 1789
C'est ici que le 26 et le 27
janvier 1789 ont eu lieu les premiers affrontements de la Révolution française
entre des nobles et des étudiants. Ces émeutes feront trois morts, un garçon
boucher et deux jeunes aristocrates.
Tout a commencé sur le Champ
de Montmorin, l'actuelle esplanade du Général-de-Gaulle. Le 26, au matin, des
centaines de personnes protestent contre la hausse du prix du pain. Dans la
foule, nombreux sont ceux qui utilisent des bricoles - de fortes lanières de
cuir destinées à traîner des voitures - pour travailler. D'où le nom donné à
ces journées historiques.
Derrière ce mouvement se
cache en fait une manoeuvre politique de la noblesse qui tente de monter le
petit peuple, qui vit directement de l'activité du Parlement de Bretagne,
contre les députés du tiers état. Depuis la fin décembre, ces derniers
paralysent le fonctionnement de l'assemblée. Ils demandent davantage de
représentativité, le vote par tête ainsi qu'une réforme fiscale.
À proximité de la place, rue
de Bertrand, de nombreux étudiants en droit ont établi leurs quartiers dans un
café de la ville, l'Union. Les tensions sont nombreuses entre ces jeunes gens,
de jeunes bourgeois patriotes et les « gens de livrées » qui travaillent pour
l'aristocratie.
À la suite de la manifestation,
des heurts éclatent. Mais c'est le lendemain que les choses se corsent. Dans
l'après-midi, un ouvrier teinturier arrive à l'Union. Il est blessé à la main
et dit avoir été attaqué par des valets. Les étudiants prennent alors la
direction du Palais pour demander justice. Passant devant le couvent des
Cordeliers, ils se retrouvent face à une vingtaine de nobles armés. Les
étudiants qui veulent en découdre, cherchent des armes. Ils pillent alors les
magasins de la milice et s'emparent de 133 fusils avant de fondre sur la place
du Palais où de violents combats s'engagent. Ils durent trois heures, font
trois morts et une soixantaine de blessés...
François-René de
Chateaubriand, député de la noblesse, qui était présent sur les lieux, relate
ces événements dans ses « Mémoires d'outre-tombe ». « Las d'être bloqués dans
notre salle, nous prîmes la résolution de saillir dehors, l'épée à la main
(...). Plusieurs gentilshommes furent blessés, traînés, déchirés, chargés de
meurtrissures et de contusions (...). Lecteur, je t'arrête : regarde couler les
premières gouttes de sang que la Révolution devait répandre ». Le 28 janvier au
matin, 400 chasseurs et grenadiers prennent possession de la place du Palais
pour mettre fin aux émeutes.
Dans le même temps, 600
nobles et leurs partisans se réunissent aux Cordeliers tandis que 400 étudiants
nantais, venus en renfort, entrent dans la ville. Le gouverneur de la province
réussit à mener une médiation entre les deux camps qui acceptent finalement de
déposer les armes. Les étudiants nantais, eux, quittent Rennes, une dizaine de
jours plus tard.
HISTOIRE-4
Rome 73
À l’été 73 avant notre ère,
à Capoue, une soixantaine d’esclaves tuent leurs gardiens et s’évadent. Bientôt
mille fois plus nombreux, ils vont, pendant près de deux ans, mettre en déroute
l’armée de Rome, la plus grande puissance du temps. La République prend peur et
donne les pleins pouvoirs à un milliardaire, qui recrute cinquante mille
hommes. En mars 71, l’armée des esclaves est vaincue. Les six mille survivants
sont mis en croix le long des deux cents kilomètres de la voie Appienne, de
Rome à Capoue. L’esclave qui les conduisait est mort au combat. Il s’appelait
Spartacus, et il était gladiateur.
Il n’est pas tout à fait
étonnant qu’une histoire aussi stupéfiante ait basculé du côté de la légende,
son authenticité ayant été quelque peu oubliée. Pourtant, les faits sont
attestés, et ce ne fut d’ailleurs pas la seule grande révolte d’esclaves. Mais,
comme chacun sait, l’histoire est écrite par les vainqueurs, et si les
historiens de la Rome antique, de Salluste à Plutarque, les ont bien
commentées, en particulier celle de Spartacus, c’est avec une certaine
parcimonie, et une tout aussi certaine absence d’empathie. Puis, au fil de
l’enseignement des humanités et de la transmission de valeurs confortant
l’ordre en place, l’épopée de Spartacus s’est effacée. La grande révolte des
esclaves à Saint-Domingue au début des années 1790, l’admiration de Karl Marx,
la Ligue spartakiste fondée en 1915 par Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht
vinrent la réactiver. Il ne semble pas qu’aujourd’hui les programmes d’histoire
en France lui accordent quelque importance.
A VOUS DE JOUER