vendredi 11 janvier 2019

LE STATUT DES STATUES


(Édition 12.01.19)

ACTUALITÉ

Les Gilets jaunes ont-ils (aussi) réinventé le vandalisme statuaire ? "Avec des statues pareilles, faut pas s'étonner des dégradations" pouvait-on lire sur le socle de la statue de Napoléon à Rouen il y a quelques jours, après une manifestation. S'en prendre aux statues des grands hommes, une pratique concomitante à tout mouvement social depuis le XIXe siècle ?

HISTOIRE-1

Les Vandales et le…vandalisme

Les exactions attribuées aux Vandales sont restées dans l'histoire comme l'exemple de la plus sauvage barbarie, et le mot vandalisme a pris place dans la langue pour qualifier « tout procédé destructeur qui anéantit ce qui commandait le respect par son âge, ses souvenirs ou ses beautés », (Littré). Le vandalisme est la destruction, la mutilation des belles choses, en particulier des œuvres d'art. Cette définition est d'origine latine moderne, or il y a lieu d'être très réservé sur le véritable rôle des Vandales, ceux-ci s'étant montrés, par de nombreux côtés, un des grands peuples du premier moyen âge, aux temps où l'empire romain était en pleine décomposition. (Voir E.-F. Gautier: Genséric, roi des Vandales). Leur plus grand tort fut d'avoir été, parmi les Barbares, ceux qui tinrent tête le plus opiniâtrement au christianisme ; cela explique la réputation que leur ont faite les chrétiens. Laborde a dit fort justement : « Chaque époque ayant des méfaits de vandalisme à reprocher à sa devancière, et ne se sentant pas elle-même la conscience bien nette, on est tombé d'accord qu'on rejetterait le tout sur les Vandales qui ne réclameraient pas ».

HISTOIRE-2

Québec : 1963


Le monument élevé à la mémoire du général Wolfe sur les Plaines d'Abraham est renversé. Ce geste d'éclat contribuera à faire connaître un groupe terroriste favorable à l'indépendance du Québec : le Front de libération du Québec (FLQ).

HISTOIRE-3

France : 1789

« Des églises abandonnées, des clochers sans cloche, des cimetières sans croix, des saints sans tête... » Chateaubriand pleure les églises saccagées. Car l’an II de la République est aussi l’apogée du vandalisme. La Révolution est-elle coupable ou non coupable ? … Un dossier brûlant. « Il créa le mot pour tuer la chose. » C'est du vandalisme dont il s'agit et la formule, frappée pendant la Révolution, est de l'abbé Henri Grégoire (1750-1831), leader de l'Église constitutionnelle et auteur de trois Rapports sur les destructions opérées par le Vandalisme', lus devant la Convention en 1794, peu après la mort de Robespierre.

Grégoire ne mâche pas ses mots : « De toute part, le pillage et la destruction étaient à l'ordre du jour. A Paris, on brisait à l'horloge du Palais les statues de la Prudence et de la Justice par Germain Pilon f...l

HISTOIRE-4

Alcibiade et les statues d’Hermès. - 415

Tandis que les armements se poursuivaient, il arriva que les Hermès en marbre qui se trouvaient dans la ville d'Athènes — on connaît ces blocs taillés quadrangulaires que l’usage du pays a répandus aussi bien devant les demeures particulières que devant les sanctuaires — furent pour la plupart, une nuit, mutilés au visage. Nul ne connaissait les coupables mais, par de fortes primes à la délation, l’État les faisait rechercher, et l’on décréta, en outre, que quiconque aurait connaissance de quelque autre acte sacrilège, devait le dénoncer, sans crainte pour sa personne, qu’il fût citoyen, étranger ou esclave. L’affaire prenait dans l’opinion une grosse importance : elle paraissait constituer un présage pour l’expédition, en même temps qu’appuyer un complot visant à faire une révolution et à renverser la démocratie. Là-dessus une dénonciation, venue de métèques et de gens de service, sans rien révéler au sujet des Hermès, apprend qu’il y avait eu précédemment d’autres mutilations de statues, du fait de jeunes gens qui s’amusaient et qui avaient bu et que, de plus, dans quelques demeures privées, on parodiait outrageusement les mystères. Ces accusations atteignaient entre autres Alcibiade. Aussi trouvaient-elles l’oreille des gens à qui ce même Alcibiade portait particulièrement ombrage en les empêchant de prendre eux-mêmes solidement

la direction du peuple. Persuadés que, s’ils réussissaient à le chasser, ils seraient les premiers dans la cité, ils grossissaient les choses et s’en allaient criant que parodie des mystères et mutilation des Hermès visaient également au renversement de la démocratie

Thucydide, Guerre du Péloponnèse, VI, XXVII-XVIII.

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