(Ėdition
25.01.20)
ACTUALITÉ
Gares, aéroports et autoroutes sont bouclés par la
police et l’armée dans la ville de Wuhan (11 millions d’habitants) mise en
quarantaine depuis jeudi 23 janvier pour prévenir l’expansion du nouveau
coronavirus apparu dans la ville le mois dernier. La Chine a décidé de placer
deux autres villes voisines en confinement.
HISTORIQUE 1: 1917 Grippe
"espagnole"
Rappelons que depuis le mois d’avril 1917, les
États-Unis sont eux aussi en guerre. Un peu partout au pays, des camps
d’entraînement, où les soldats s’entassent quelques semaines dans des baraques
de fortune avant d’être envoyés vers la France, sont organisés à la hâte. Le
camp Funston, dans le Kansas, est un de ceux-là: plus de 56 000 militaires y
sont cantonnés. Début mars, le premier cas de grippe y est signalé. Trois
semaines plus tard, ce sont des milliers de soldats qui sont cloués au lit ;
237 développent une pneumonie et on dénombre 38 décès, relate le
microbiologiste français Patrick Berche, dans son livre Faut-il encore avoir
peur de la grippe ? Histoire des pandémies (Odile Jacob, 2012).
Rapidement, la grippe émerge dans d’autres camps, puis
dans la population civile. « La mobilisation de l’armée américaine est brutale,
explique l’auteur, directeur général de l’Institut Pasteur de Lille. Il y a une
grande promiscuité dans les camps, puis les soldats partent en train sur la
côte est. On imagine bien qu’avec 200 militaires dans un wagon, non seulement
la probabilité de contamination est forte, mais la charge de l’inoculum,
c’est-à-dire la quantité de virus contractée, est aussi extrêmement élevée. »
Très contagieuse, la grippe est toutefois relativement bénigne – avec une
mortalité d’environ 2 pour 1000.
Sans surprise, elle gagne l’Europe en avril 1918,
voyageant en bateau avec les renforts américains. « Les premiers foyers sont
signalés dans les ports de débarquement, notamment à Brest et à Bordeaux. En
mai, on déclare quotidiennement, à l’arrière du front, entre 1500 et 2000 cas»,
rapporte le docteur Berche. L’expansion est rapidement mondiale, en raison de
l’intense trafic maritime. Fin mai, l’Inde déplore ses premiers cas, chez les
dockers de Bombay ; c’est ce pays qui paiera finalement le plus lourd tribut,
avec environ 20 millions de morts.
Épargnés par la censure qui muselle les médias des
pays en guerre, les périodiques d’Espagne, pays neutre, sont les premiers à
évoquer l’ampleur de l’épidémie – laquelle sera appelée, par métonymie, grippe
« espagnole ». « En France, à ce moment-là, on ne trouve presque rien sur le
sujet dans les journaux, souligne le docteur Berche. On ne voulait pas
démoraliser les troupes. » D’ailleurs, du côté des Alliés, on met en doute le
caractère naturel de la maladie : certains médecins militaires soupçonnent les
Allemands d’avoir introduit des « bacilles » dans des boîtes de conserve
alimentaire de provenance espagnole. Il faut dire que le virus de la grippe ne
sera identifié qu’en 1933, et qu’on ignore alors tout des différents agents
infectieux.
HISTORIQUE 2: XIVe siècle La peste
noire
«Vous voulez réduire les inégalités? Essayez la peste
noire.» Sous ce titre provocateur, l'éditorialiste conservateur du Washington
Post George Will chronique le récent ouvrage d'un historien de Stanford, Walter
Scheidel, intitulé The Great Leveler: Violence and the History of Inequality
from the Stone Age to the Twenty-First Century:
«En tuant entre 25% et 45% des Européens au milieu du
XIVe siècle, la peste bubonique a, explique Scheidel, radicalement changé le
rapport de valeur entre la terre et la force de travail, au bénéfice de cette
dernière.»
Dans un récent article, l'économiste italien Guido
Alfani, emprutant notamment aux données sur les inégalités compilées par Thomas
Piketty, retrace d'ailleurs la proportion de la richesse détenue par les 10% d'Européens
les plus riches depuis 1300. Après la Peste noire, celle-ci tombe de plus de
65% à moins de 50% en un siècle environ, et ne revient à son point de départ
qu'au début du XVIIIe siècle; elle atteint ensuite son apogée au début du XXe
siècle (même si, entretemps, l'étendue géographique de l'Europe prise en compte
à changé), à environ 90%, avant de chuter sous les 60% au milieu du siècle.
Elle est depuis remontée, pour atteindre à peu près le niveau qu'elle avait
avant la Peste noire.
HISTORIQUE 3: Rome impériale
La ville de Rome connut à la période antique une
prospérité et un dynamisme économique, social et démographique hors du commun,
qui la hissèrent au rang de cité la plus importante d'Occident. Du milieu du
IIIe siècle avant notre ère jusqu'au Haut-Empire, au IIe siècle, la population
passa de 250 000 à 750 000, voire à un million d'habitants. Rançon du succès,
la ville éternelle devint surpeuplée, ce qui a contraint les classes les plus
démunies à vivre dans une grande promiscuité. Ces conditions favorisèrent la
diffusion des maladies au sein de la population et expliquent au moins en
partie le caractère récurrent des épidémies qui marquèrent durement la ville.
Parmi ces épisodes, certains se distinguèrent par leur ampleur et leur
virulence.
C'est notamment le cas de la peste dite antonine, qui
frappa l'Empire à la fin de la dynastie des Antonins, durant les règnes de Marc
Aurèle et de Commode, entre 165 et 190. On dit même, mais l'idée est très
discutée, qu'elle fut un des facteurs de la fin de l'Empire romain ! Comment
les autorités romaines faisaient-elles face à ces crises où les cadavres
affluaient ? Pour répondre, nous devons plonger dans les textes, mais aussi
dans les catacombes.
L'histoire de ces pics de mortalité liés à des agents
infectieux est plutôt bien documentée, en particulier pour la période de la
République. De nombreuses sources rendent compte de crises épidémiques, dont le
nombre varie selon la période. Les données sont moins nombreuses pour la
période impériale, mais elles témoignent cependant de plusieurs épidémies
meurtrières survenues au cours des premiers siècles de notre ère, des crises
qui s'imposent comme des repères chronologiques et historiques essentiels.
Ainsi, l'épidémie de 189 aurait fait plus de 2 000 victimes par jour, à en
croire l'historien grec Dion Cassius qui fut l'un des rares auteurs à fournir
une narration quasi contemporaine de l'épidémie. Cette estimation est débattue,
mais elle montre le caractère massif de la mortalité durant certaines crises
épidémiques.
A
VOUS DE JOUER
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