samedi 30 mai 2020

REMÈDE ET POISON...


Edition 30.05.20

ACTUALITÉ


Le président américain, Donald Trump, a révélé lundi qu’il prenait, à titre préventif, de l’hydroxychloroquine, un médicament contre le paludisme dont l’éventuelle efficacité contre le coronavirus n’a pas été démontrée.

« J’en prends depuis une semaine et demie […] je prends un comprimé par jour », a déclaré M. Trump, à la surprise générale, lors d’un échange avec les journalistes à la Maison-Blanche.

« J’entends beaucoup de choses extraordinairement positives » sur ce médicament, a poursuivi le milliardaire républicain. « Vous connaissez l’expression : qu’est-ce que vous avez à perdre ? »

Fin avril, les autorités sanitaires américaines ont mis en garde contre l’utilisation en dehors d’essais cliniques supervisés de cet antipaludéen, comme de la chloroquine, pour prévenir une infection au nouveau coronavirus ou la traiter.

L’Agence américaine des médicaments a déconseillé l’usage de ces produits « en dehors d’un milieu hospitalier ou d’essais cliniques, en raison du risque de troubles du rythme cardiaque ».

Depuis plusieurs mois, le locataire de la Maison-Blanche se montre très enthousiaste sur les possibles effets de ce médicament pour lutter contre le nouveau coronavirus. « C’est très excitant. Je pense que cela pourrait changer la donne. Ou peut-être pas. Mais d’après ce que j’ai vu, cela pourrait changer la donne », déclarait-il mi-mars.

HISTORIQUE 1 : Mithridate VI 132 av. J.-C.

Mithridate VI, un roi d'Asie Mineure de l'Antiquité avait peur d'être assassiné par empoisonnement. Pour s'immuniser, il ingéra des doses croissantes de poisons pour rendre son corps insensible. Cette technique a donné son nom à la "mithridatisation", utilisée de nos jours dans le traitement de certaines allergies.

Cette méthode fut si efficace que Appien d'Alexandrie raconte que Mithridate VI, trahi par son armée et ses alliés, voulut mourir plutôt que de se rendre aux Romains. Il tenta alors de s'empoisonner sans y parvenir, si bien qu'il supplia un de ses plus fidèles guerriers de lui donner par le glaive ce qu'il attendait....

HISTORIQUE 2: Londres venin de serpents

Depuis près de trente ans, Steve Ludwin s’injecte du venin de serpent. Une pratique qui a failli lui coûter la vie, mais qui pourrait sauver celle de milliers d’autres, car grâce à lui des chercheurs tentent de créer un nouveau type d’antivenin.
Une exposition sur le venin au Musée d’histoire naturelle de Londres, qui débute vendredi, consacre un court film à cet homme grâce à qui la recherche médicale progresse.

Installé dans son salon au coeur de Londres, Steve Ludwin, un Britannique de 51 ans, tient fermement la tête d’un Trimeresurus popeiorum, serpent originaire d’Asie d’un vert éclatant. Il extrait quelques gouttes de son venin. Dans quelques minutes, il se les injectera dans le bras à l’aide d’une seringue, un geste qu’il effectue régulièrement depuis la fin des années 1980.

«Obsédé» par les serpents, Steve Ludwin a commencé à s’injecter de petites quantités de venin alors qu’il était âgé d’une vingtaine d’années, inspiré par Bill Haast, un Américain passionné de ces reptiles dont il extrayait le venin à des fins de recherche médicale.

«Ça a l’air dingue, mais en fait ça a potentiellement des effets positifs sur la santé», assure le quinquagénaire aux longs cheveux bruns. «Ça a renforcé mon système immunitaire. Je n’ai pas eu de rhume depuis quinze ans»,  assure-t-il, évoquant aussi des «effets anti-âge».

HISTORIQUE 3: en France La douce violence

Pharmakon… mot grec ambigü signifiant tout à la fois remède et poison. Symbolisme fascinant des contraires qui s’affrontent depuis la nuit des temps : l’ombre et la lumière, le mal et le bien, la vie et la mort… Mais faut-il vraiment parler de contraires ? En thérapeutique, rien n’est moins sûr. Depuis Hippocrate, nous savons bien que « tout est poison, rien n’est poison, tout est dans la dose ».

« Répands charmante nuit, répands sur tous les yeux, de tes pavots, la douce violence… ». C’est en ces termes qu’en 1669 Molière évoqua les vertus hypnogènes de l’opium tiré du pavot, dans le prologue de sa comédie-ballet « Monsieur de Pourceaugnac ». Mais ces propriétés étaient connues depuis fort longtemps, puisque l’opium était précisément l’un des constituants essentiels de la thériaque. Il est probable également qu’il entrait déjà dans la confection de l’antique et magique Népenthes, qui combattait la tristesse et la douleur physique dont Télémaque aurait éprouvé les bienfaits grâce à la belle Hélène.

Toujours dans la mythologie grecque, Déméter, la déesse-mère des récoltes de la terre, fille de Zeus, était souvent figurée tenant des pavots à la main. Ceux-ci l’auraient aidée à oublier la tristesse suscitée par l’enlèvement de sa fille Perséphone par Pluton, qui en fit la reine des Enfers.

Avant même d’être largement utilisés comme antalgiques et somnifères, le pavot et l’opium ont dû jouer un rôle religieux, en particulier au temple d’Herakléion en Crête. Ils aidaient en effet les prêtres à atteindre cet état extatique si propice aux visions divinatoires. Mais l’opium était également considéré, dans l’Antiquité, comme un toxique, pouvant être utilisé à des fins criminelles. Ainsi le Grec Nicandre crut bon d’enseigner l’attitude à adopter en cas d’intoxication : « Celui qui boit un breuvage dans lequel entre le suc de pavot tombe dans un profond sommeil, les yeux deviennent fixes, les membres se refroidissent, les ongles deviennent livides, les yeux concaves présagent de la mort ; ne te laisse pas effrayer par cet aspect, donne vite à la victime une boisson composée de vin et de miel, puis remue le corps violemment, afin qu’il vomisse ».

Dans le cas de l’opium, le poison se double d’une drogue au sens commun du terme. L’empereur Marc-Aurèle qui en prenait chaque jour pour soigner ses migraines chroniques fut sans doute le premier opiomane de l’Histoire, ce qui explique peut-être sa fameuse réputation de stoïcisme. Lui succéderont les fumeurs de « shandoo », bercés par d’illusoires rêves exotiques, et les esclaves de la morphine et de l’héroïne. En définitive, il aura fallu attendre ces quinze dernières années pour que les dérivés de l’opium, libérés en partie de leur image de toxiques, puissent retrouver leur véritable place en thérapeutique et contribuer à une meilleure prise en charge de la douleur.

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