(Édition 18.12.20)
ACTUALITÉ
Abattage rituel en Europe : le bien-être
animal prime-t-il sur la liberté de culte ?
Explication La Cour européenne de
justice a tranché. Un pays membre peut interdire l’abattage rituel au nom du
bien-être animal et imposer un étourdissement préalable de la bête. Une
décision vivement critiquée par les communautés juives et musulmanes d’Europe. Le
couperet est tombé jeudi 17 décembre. « Interdire l’abattage d’animaux sans
étourdissement préalable, y compris pour les abattages prescrits par un rite
religieux » n’est pas contraire au droit européen, selon un arrêt de la Cour de
justice de l’Union européenne (CJUE). Saisie par la Cour constitutionnelle de
Belgique, la plus haute instance juridique d’Europe a statué sur un décret
controversé de 2017 en Flandre (Belgique), obligeant. Au cœur du litige figure
un décret pris en 2017 par la Flandre, une des trois régions de Belgique, qui a
imposé sur son territoire de 6,6 millions d’habitants l’étourdissement
préalable, au nom du bien-être animal.
Or les cultes juif et musulman prévoient
que l’animal abattu doit être conscient lors de la saignée. S’il est
inconscient, la viande est impropre à la consommation. Le Consistoire central
israélite de Belgique (CCIB), rejoint par d’autres organisations juives et
musulmanes, a contesté devant la justice belge la légalité du décret ayant pour
effet d’interdire l’abattage d’animaux selon les rites traditionnels juif et
musulman. Jeudi, la Cour de justice de l’Union européenne, saisie pour avis par
la Cour constitutionnelle de Belgique, a tranché : la légalisation flamande ne
« méconnaît pas » la liberté des croyants juifs et musulmans. Aux yeux de la
juridiction établie à Luxembourg, il ne peut être question de violation de
l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux dans l’UE, comme le
proclamaient les requérants.
HISTORIQUE 1 : Dhabiha
http://www.dietetique.wikibis.com/dhabiha.php
La dhabiha (arabe : dhabīḥah) est la
méthode d'abattage rituelle prescrite de l'ensemble des animaux, à l'exception
des poissons et fruits de mer, par la loi islamique. Elle se pratique par une
incision profonde et rapide avec un couteau effilé sur la gorge, de manière à
couper les veines jugulaires et les artères carotides bilatéralement.
L'objectif de cette technique est de drainer plus efficacement le sang du corps
de l'animal, pour que la viande soit plus hygiénique, et de minimiser la
douleur et l'agonie de l'animal.
Les détails de la méthode proviennent
beaucoup de la tradition islamique, plutôt que du Coran. Cependant, c'est du
Coran que la prescription est tirée : «Vous sont interdits la bête trouvée
morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que
celui de Dieu, la bête étouffée, la bête assommée ou morte d'une chute ou morte
d'un coup de corne, et celle qu'une bête féroce a dévorée - sauf celle que vous
égorgez avant qu'elle ne soit morte -. (Vous sont interdits aussi la bête)
qu'on a immolée sur les pierres dressées, mais aussi de procéder au partage par
tirage au sort au moyen de flèches. Car cela est perversité. Actuellement, les
mécréants désespèrent (de vous détourner) de votre religion : ne les craignez
par conséquent pas et craignez-Moi. » -- Sourate 5 (Al-Mâ'ida La table
servie) :3 (Traduction de Muhammad
Hamidullah)
Le terme dhabiha est fréquemment utilisé
erronément comme synonyme de halal, mais utilisés conjointement (dhabīḥah
halal), les mots décrivent toute pièce de viande permise par la loi islamique.
HISTORIQUE 2 : Shehita
Le terme hébreu shehita signifie
"abattage". L'opération s'articule sur la Thora, relayée par le
Talmud. En effet, qu'on se le rappelle, l'idéal alimentaire biblique est
végétarien (en Eden, Adam et Eve s'alimentent sans tuer). Selon l'économie du
Texte, la consommation carnée n'apparaît qu'au titre de concession, à l'époque
supposée de Noé, auquel déjà le sang est interdit. Ensuite, ce sera la
législation mosaïque (laThora), laquelle limitera les animaux consommables et
ordonnera en Deutéronome 12 : 20-21 : "Quand, par désir, tu voudras manger
de la viande, ... tu le pourras. (Pour cela) tu pourras tuer du gros et menu
bétail ... comme Je te l'ai prescrit ...". En raison de la concession
religieuse que constitue le fait de s'adonner à l'alimentation carnée, laquelle
implique toujours l'acte grave de tuer, en raison aussi des nombreuses
injonctions bibliques destinées à la protection animale1, l'abattage se
déroulera d'une manière voulue aussi peu douloureuse que possible. Le shohet,
l'abatteur, outre qu'il récitera une bénédiction initiale, et une autre
conclusive, ce qui lui rappellera le poids de l'acte auquel il est commis,
utilisera une lame de grande taille affutée comme un rasoir. D'un geste précis,
rapide et unique, il tranchera, d'une main sûre, l'oesophage et la trachée de
l'animal. Le shohet devra être un homme adulte, instruit, certifié, pratiquant
et physiquement capable. La moindre erreur disqualifiera son travail, comme,
par exemple, d'interrompre l'opération, de presser sur la lame ou d'arracher au
passage l'oesophage. Pour respecter les prescrits de la Thora, il évacuera le
sang (interdit à la consommation), les reins, les intestins, le suif et le nerf
sciatique (en rappel de l'épisode biblique du combat de Jacob).
HISTORIQUE 3 : Egyptiens anciens
Plus souvent, le sacrifice est
explicitement une divinisation, une apothéose, ou encore un véritable « cadeau
» non pas aux dieux mais à une personne. Les pratiques funéraires relèvent de
la même logique.Bien que cela soit maintenant assez implicite et que le lien
avec la divinité soit moins vu,les pratiques funéraires incluent parallèlement
les sacrifice-offrandes. Au demeurant, l'accès au statut d'ancêtre est très
important pour l'Homme Egyptien et Mbo. L'accès à ce statut ne peut être
possible que si le défunt est pourvu des offrandes à lui faites par les
vivants. Ces offrandes à travers les sacrifices animalierspermettront au
défuntpar la circonstance de figurer dans le panthéon des divinités du lignage
ou de la communauté dont il faisait partie. Les sacrifices permettent alors de
manifester le sentiment de reconnaissance à l'égard d'un parent ou un
collatéral qui devient ainsi une action de grâce sacrificiel à un défunt
divinisé ou un ancêtre. Ainsi, le sacrifice d'un animal de choix pendant les
funérailles d'un homme chez les Mbo, est clairement un acte d'hommage pour que
le défunt s'en aille, comme une personne entièrement accompli, mais surtout
pour que le défunt ait la capacité, les forces nécessaires pouvant lui
permettre de traverser toutes les étapes le conduisant vers la félicité de sa
vie post mortem.
Pendant les rituels d'ouverture de la
bouche du défunt chez les Egyptiens anciens, les prêtres embaumeurs procédaient
àl'abattaged'un taurillon dit taureau-nag162(*) afin de donner voix au
défunt163(*). Dans cette perspective, le bovidé étant le substitut du dieu
Seth, l'assassin d' Osiriset par assimilation, le responsable de la mort du
défunt164(*). Pour redonner voix au défunt,une patte avant du taurillon est
coupée par le prêtre. En courant, un autre prêtre porte le cuisseau encore
palpitant de vie vers la bouche de la momie. Ce geste est suivi par la
présentation du coeur de l'animal165(*). Cet abattage ne vise pas à alimenter
la momie mais à l'animer en transmettant la force vitale du jeune bovidé au le
défunt166(*). Après cela, des gestes rituels mettent en contact la bouche, les
yeux et les oreilles de la momie avec de nombreux objets liturgiques inspirés
par les outils des sculpteurs ( herminettes, ciseaux, polissoirs, etc.). Tous
ces gestes, sacrifices et passes magiques, sont dédoublés : la première fois
pour la Haute-Égypte, la seconde fois pour la Basse-Égypte167(*). À la fin, la
momie est placée dans son tombeau et commence à bénéficier du service des
offrandes funéraires afin qu'ils puissent devenir des imâkhou168(*) (esprits
glorifiés, morts bienheureux). Si Anubis est surtout connu pour ses fonctions
funéraires dès ses origines, il est aussi assigné à la pratique du sacrifice
des bêtes à corne qui constitue pour cela le point d'orgue des rituels
funéraires en Egypte comme nous l'apprend le récit mythologique du Conte des
deux frères169(*).
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