vendredi 14 février 2020

PRÊTRES ET CÉLIBAT



(Édition 15.02.20)

ACTUALITÉ
https://www.lemonde.fr/international/article/2020/02/13/le-pape-refuse-les-femmes-diacres-et-l-ordination-d-hommes-maries_6029443_3210.html
La nouvelle avait transpiré ces derniers jours dans la presse italienne, après des confidences faites par le pape François lors d’une rencontre à portes closes avec des prélats américains, qui s’est tenue lundi 10 février au Vatican : l’ordination d’hommes mariés pour remédier à la carence des vocations de prêtres en Amazonie, demandée en octobre 2019 par les évêques de la région réunis en synode, a finalement été écartée. « Je n’ai pas senti l’Esprit saint à l’œuvre sur ce sujet », avait-il assuré à monseigneur John Wester, archevêque de Santa Fe, lors de cette réunion.

HISTORIQUE 1: chez les anciens Romains
http://www.antiquite.ac-versailles.fr/relirome/religio4.htm.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, l'exercice d'une fonction religieuse n'empêche pas un citoyen de mener une vie normale : les prêtres se marient, ont des enfants (sauf les Vestales pendant la durée de leur sacerdoce), et peuvent cumuler (Cicéron, De domo sua) magistrature religieuse et magistrature civile, ou passer de l'une à l'autre : César était aussi Pontifex Maximus (C.I.L.) (comme le seront tous les empereurs) (C.I.L.), et le flaminat de Jupiter ouvrait souvent la voie à des magistratures civiles prestigieuses (M. Papillius Laenas était flamine Carmental et consul. Marc-Antoine était luperque et sénateur. C. Valerius Flaccus, flamine Dialis de 209 à 174, édile curule en 199, préteur en 183.) (Res gestae divi Augusti). En revanche, la qualité de prêtre d'Artémis à Nemi semble peu enviable : il est assassiné, dans le bois sacré du sanctuaire, par celui qui veut prendre sa place (Strabon, Géographie) !

HISTORIQUE 2: les premières  communautés chrétiennes
https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Monde/Le-celibat-pretres-2-000-ans-dhistoire-2019-10-29-1201057213

L’émergence des Pères du désert (IIIe et IVe siècles) sera la source du vœu de chasteté encore prononcé par les moines. L’engagement des prêtres au célibat et à l’obéissance sera plus tardif. Dès les premières communautés, si les prêtres peuvent être mariés, ils sont invités à la continence, tout entiers consacrés à leur sacerdoce, ce que rappelle le concile espagnol d’Elvire (306). La sexualité est alors considérée comme un obstacle au service sacerdotal. Force est de constater que la pratique n’a guère respecté cet idéal tel qu’il était formulé et exalté, et nombre de clercs étaient mariés et fondaient une vraie famille. Ainsi saint Grégoire de Nazianze (329-390) est-il fils d’un évêque, et plusieurs papes se trouvaient être descendants de prêtres ou évêques. Ce qui fut – au-delà des questions théologiques et pastorales –, une des difficultés, puisque bientôt surgissaient de véritables dynasties sacerdotales héritant des charges ecclésiales et dilapidant les biens d’Église.

HISTORIQUE 3: un concile
https://lepln.wordpress.com/2010/03/09/le-saviez-vous-le-celibat-des-pretres-nexiste-que-depuis-1123/

Donc entre 1075 et 1120 environ, par des luttes avec les rois de France et les empereurs germaniques, les papes et les évêques finissent par obtenir un modus vivendi, grâce auquel l’Eglise peut s’organiser, et prendre notamment une série de décisions concernant les conditions d’accès au « statut » de prêtre.

1123 représente le premier concile depuis la rupture d’avec l’Eglise d’Orient. C’est un concile qui décide du célibat des prêtres, non une bulle pontificale : on peut donc considérer que c’est la meilleure manifestation possible d’une expression de l’Eglise (sinon, il faut admettre qu’un référendum et une élection ne sont pas l’expression de la démocratie).

Le début du XIIe siècle réunit les conditions nécessaires à une réflexion ecclésiologique de ce genre, avec l’unification (pour la partie occidentale) indispensable de la « structure ecclésiale ». D’autres périodes antérieures auraient pu satisfaire à cette condition d’unité, mais elles étaient occupées par d’autres débats : les iconoclastes sous Charlemagne, toutes les hérésies (donatisme, arianisme, etc.) sous l’empire romain.

Le célibat des prêtres décidé lors de ce concile n’est pas une mesure isolée : elle est prise dans un ensemble de mesures fixant les conditions et les rites pour l’ordination d’une personne.
Un commentaire d’Authueil au même billet de Koz « explique » que cette mesure a été prise pour éviter la perte des biens ecclésiastiques, éviter qu’ils ne soient perdus dans l’héritage en faveur des enfants de prêtres. C’est une possibilité.
On fait ressortir ainsi la rapacité de l’Église, refusant de céder une once de son or et une motte de ses terres. Voici une autre manière de voir les choses : aux Xe-XIIe siècle, l’Eglise s’enrichit exclusivement par des dons (elle ne fait pas encore des prêts à intérêt…). Par des legs, en échange de prières et de messes, en échange de leur salut en somme, les laïques font des dons à l’Église. Imaginez que votre père a donné la moitié de la terre (dont vous auriez dû hériter) au prêtre de la paroisse. Deux ans plus tard, vous voyez le fils du curé hériter de son père. Dans l’hypothèse où vous croyez à la vertu des prières de l’Eglise pour le salut de votre père (qui a beaucoup péché), ne préférerez-vous pas (puisque de toute façon la terre en question vous échappe) que ce bien reste à l’Eglise, conformément aux voeux du donateur ?

En outre, les abbayes les plus riches n’étaient pas celles où les pauvres étaient les plus maigres. Lorsqu’on regarde l’ampleur des possessions ecclésiastiques, on évacue généralement l’utilisation qui en était faite, et la fonction sociale essentielle de l’Eglise, cependant que l’Etat, concept inexistant à l’époque, n’assurait aucune subsistance minimale aux plus démunis.

A VOUS DE JOUER

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